Pour l’égalité des femmes et des hommes dans la langue

Il y a bien une quarantaine d’années, les citoyennes commençaient à inscrire leur présence dans la langue française, au fur et à mesure de leur accession à la sphère publique.

Langage non sexiste et norme

Un bon matin, j’ouvre le journal et j’y lis qu’ « Une otage canadienne est libérée en Irak ». Tiens ! Tiens ! Une otage ? Au féminin ? Je jette un coup d’œil dans un dictionnaire : « Otage, nom masculin ». En prime, on renchérit, à la fin de l’entrée de ce mot, avec une note au ton sans appel: « Ce mot n’a pas de féminin » (Multidictionnaire, 2003).

Autre exemple : les universités regorgent de chercheurs et chercheuses… qui se dénomment par ailleurs souvent chercheures, depuis au moins les années 1970. En effet, la forme une chercheure s’est peu à peu répandue depuis cette date, à quelques exceptions près, dans les centres de recherche, les publications scientifiques, les congrès, dans le milieu, quoi ! Ouvrez, en ce jour, votre dictionnaire francophone favori, pour n’y trouver nulle trace de cette finale en –eureUne chercheuse remporte la palme unanimement.

Flute ! Que ferais-je donc si je devais, dès demain, rédiger un texte dans lequel une universitaire mènerait des travaux de recherche ? Elle serait chercheuse ou chercheure ? Et cette citoyenne du monde prise en otage ? Une ou un otage [NDLR: une otage figure pour la première fois dans le Petit Larousse illustré 2006]?

Deux cas parmi tant d’autres, lesquels interpèlent la conception traditionnelle de la norme, cette norme que l’on perçoit trop souvent   comme   immuable,   rigide,  fixée,  dans  des ouvrages– les dictionnaires – s’apparentant à des bibles qui consigneraient le « seul » usage convenable et acceptable. Or, la réalité s’avère toute autre. Non seulement les dictionnaires divergent-ils sur une variété de points entre eux, d’une part, mais encore offrent-ils de la variation à l’intérieur de leurs propres pages pour qui en analyse le détail (par exemple, soit des dédoublements, soit l’usage des parenthèses, soit encore des mots au genre masculin uniquement pour définir des titres d’emploi). En outre, au fil des années, seules quelques modifications, trop souvent avalisées au compte-gouttes, en altèreront le contenu, d’où la réputation de conservatisme légendaire qui caractérise les dictionnaires. En réalité, la visée idéologique ainsi que les considérations administratives et commerciales de ces ouvrages normatifs ne leur permettent tout simplement pas d’être à jour.

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Céline Labrosse, Ph. D.
Linguiste-chercheure
info@langagenonsexiste.ca

Docteure en linguistique, auteure et conférencière, j’explore le domaine de la sociolinguistique et plus particulièrement le champ « genre et langage ». Mes recherches posent un regard critique sur les règles prônées par les ouvrages normatifs traditionnels (dictionnaires et grammaires) et proposent des avenues menant à la désexisation du français.
J’anime des séances à l’université, donne des ateliers à des organismes publics, des syndicats, des groupes féministes et communautaires, etc.

Pour une langue sans sexisme

Disponible en librairie

Pour une langue française non sexiste (2002)

Numérisé 10$
Format papier 10$ + frais postaux

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Pour une grammaire non sexiste (1996, épuisé)

Numérisé 10$

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Revue de presse

Sexiste, la langue française?

Illustration: Tiffet «La langue française est sexuée, donc sexiste», tandis que la langue anglaise «va vers des formes communes plutôt que divergentes», déclare la linguiste et auteure Céline Labrosse.

Sur le site de l’ONU, on peut lire cette offre d’emploi à Mogadiscio : « Le spécialiste des droits de l’homme accomplira les fonctions suivantes : […] » et sa version anglaise : « The Human Rights Officer will be responsible for the following duties […] » La version française abuse clairement du masculin générique : un comble dans une organisation qui prône la diversité et pour un poste portant notamment sur les droits des femmes… La langue française serait-elle sexiste ? La langue est-elle la coupable ?

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Expressions au féminin

Bonnefemme

  • « La Bonnefemme de neige », Titre d’un livre, Éd. Gallimard-Jeunesse, 1988
  • « La bonne femme », « Je vois souvent passer sur le trottoir des monsieurs et des madames. Je ne les connais pas tous. Ce sont des bonshommes, ce sont des bonnes femmes », Titre d’une pièce de théâtre de Jasmine Dubé et extrait du dépliant promotionnel, décembre 1996

Expressions au masculin

Homme au foyer

  • « Que fait ton père comme travail? Écris exactement ce qu’il fait. Exemples : enseignant, mécanicien d’automobile, homme au foyer, camionneur, dentiste, cultivateur, etc. Si tu ne le sais pas, n’écris rien ci-dessous », Questionnaire de l’enquête 1993/94 [sur les comportements de santé des jeunes d’âge scolaire], Étude multinationale de l’Organisation mondiale de la santé, Mise au point au Canada par Social Program Evaluation Group, Queens University at Kingston
  • « Même ceux qui choisissent d’être homme au foyer peuvent trouver cette responsabilité dure à remplir. Klaus Gruber de Saskatoon en a fait l’expérience il y a quelques années lorsque sa conjointe voulait embrasser une nouvelle carrière. Après l’emballement des premières semaines, « j’ai trouvé difficile de me motiver », avoue-t-il dans Connexions, le bulletin de Careers Home Managers. « Même quand je me forçais à faire des travaux ménagers, j’avais peu de sentiments de fierté ou d’accomplissement. » Il se sentait isolé. À la longue, il s’est aussi rendu compte que malgré ses croyances rationnelles, il n’accordait pas beaucoup de valeur au travail traditionnellement effectué par les femmes. « Même si, cognitivement, j’appréciais ces choses, je me suis rendu compte que je ne leur attribuais aucune valeur sentimentale » », Transition, mars 1994

Formulations non sexistes

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